La dénutrition des Séniors on en parle peu mais elle touche plus de 6% des + de 65 ans vivant à leur domicile. Véritable frein au bien-être des personnes âgées touchées, elle peut être détectée par le médecin généraliste à condition de se rendre à son cabinet. Quelles peuvent en être les causes ? Comment l’éviter ? On vous dit tout.

La dénutrition des personnes âgées n’est pas forcément visible pour l’entourage, mais elle est pour une partie de la population une réalité. La vigilance sur l’alimentation est de mise bien entendu, et il ne faut pas hésiter à se rapprocher de son médecin pour plus de renseignements, et d’aide si vous le jugez nécessaire.

Dénutrition ? Définition

La définition de la dénutrition s’appuie à la fois sur la perte de poids, l’Indice de Masse Corporelle (IMC), le taux d’albumine – un marqueur nutritionnel – et les réponses à un questionnaire de dépistage : le Mini Nutritional Assessment (MNA). Chez la personne âgée, un médecin peut diagnostiquer une dénutrition à partir de la présence d’au moins un des critères ci-dessous.

  • Perte de poids : ≥ 5 % en 1 mois, ou ≥ 10 % en 6 mois
  • Indice de masse corporelle : IMC < 21 ( masanté.re – c’est quoi l’IMC ? )
  • Albuminémie < 35 g/l
  • MNA global < 17

Un IMC bas isolé ne signifie pas forcément une dénutrition, il y a des personnes qui sont maigres de constitution sans être dénutries…”, prévient le Dr Nolwenn Kervella, chef de pôle transversal gérontologie au CHU de La Réunion, “…il faut aussi considérer les variations de poids de la personne“.

LA DENUTRITION CHEZ LES PERSONNES OBESES : CA EXISTE !

Une personne âgée en surpoids ou obèse extérieurement mais qui perd en masse musculaire peut être dénutrie et avoir besoin d’un rééquilibrage alimentaire. Dans tous les cas la prise en charge de la dénutrition prime sur celle de l’obésité ou du surpoids et on déconseille de poursuivre ou entamer un régime amaigrissant.

Personnes âgées dénutries : quels risques ?

« La dénutrition est un cercle vicieux car à partir du moment où elle s’installe, elle entraîne des complications qui aggravent la dénutrition et ainsi de suite, par exemple :

  • une sensibilité accrue aux infections, le développement de pathologies aiguës ou des difficultés à récupérer s’il y a une pathologie existante,
  • une perte musculaire, une régression psychomotrice et une diminution de la mobilité entraînant une démarche difficile ou des chutes,
  • une faiblesse, une asthénie qui peuvent pousser à rester en fauteuil, provoquer des escarres ou des complications cutanées,
  • une hospitalisation voire le décès de la personne en cas de complications sévères associées. »

LES CHIFFRES À LA RÉUNION

  • 23% des 65 ans et + présentent un risque de dénutrition*
  • 6% des 65 ans et + ont une dénutrition avérée*
  • Les femmes + concernées par la dénutrition*
  • La dénutrition 5 fois + fréquente après 85 ans*
  • Plus de  2 x plus de risque de dénutrition à La Réunion qu’en métropole**

*Sources : Enquête personnes âgées 2016/2017 – ARS OI / Exploitation ARS OI – Champ : Personnes âgées de 65 ans et plus vivant à domicile à La Réunion

**Source : HAS

Lutter contre la dénutrition : mieux vaut prévenir que guérir !

Si il y a un adage qui fait l’unanimité c’est bien celui-ci, et la malnutrition peut elle aussi être anticipée. Bien déceler les signes, et savoir quelles en sont les causes, permettent de protéger nos séniors.

Connaître les principales causes de dénutrition

Les causes sont multiples. Lorsque l’on vieillit, en général, les sensations de faim et de soif diminuent, avec une plus grande appétence pour le sucré et moins pour les produits protéiques  (qui sont sources de protéines, comme les produits d’origine animale, les légumineuses, les noix, les graines, les céréales, etc., NDLR)” explique la gérontologue.

“En cas de démence, ces troubles sont aggravés avec – dans les stades sévères – des difficultés à avaler correctement ou à savoir comment porter sa nourriture à sa bouche. Une dépression de la personne âgée doit systématiquement être recherchée lorsqu’on suspecte une dénutrition.

La prise de médicaments plusieurs fois par jour peut entraîner une satiété, certains coupant même la sensation de faim. A La Réunion enfin, on rencontre beaucoup de problèmes bucco-dentaires (édentation, chicots, appareil dentaire inadapté, mycose linguale, etc.), qui rendent difficile la prise alimentaire.

On relève aussi des causes sociales ou environnementales : certaines personnes âgées mangent peu par manque d’argent, par difficulté à se déplacer ou à porter ses courses, parce qu’elles sont isolées… ”

Repérer les signes

« Il est parfois difficile de détecter un amaigrissement lorsque l’on côtoie la personne au quotidien. Il existe des signes d’alerte comme une perte d’appétit, une perte de poids rapide, un changement de taille des vêtements, une perte de muscles notamment au niveau des cuisses, une fatigue anormale, une diminution des activités habituelles…

En cas de doute, la personne âgée doit consulter son médecin traitant, qui l’orientera au besoin vers un gériatre. » Ce sont ces professionnels qui pourront alors poser un diagnostic de dénutrition.

5 moyens pour prévenir la dénutrition

Pour prévenir la dénutrition des séniors il faut :

1 – Surveiller son poids régulièrement. Si on n’a pas de balance, on se pèse chez son médecin ou en pharmacie.

2 – Manger correctement :

  • On mange 3 repas équilibrés et diversifiés par jour, avec une texture adaptée, ni trop salés, ni trop gras, ni trop sucrés, sans oublier de se faire plaisir !
  • Côté proportions, on compose visuellement une assiette équilibrée avec 1/4 de protéines, 1/4 de féculents et 1/2 de légumes.
  • On ne saute pas de repas et on mange une nourriture adaptée à ses besoins (sauf avis contraire, les mêmes que chez un adulte plus jeune) : pas de nourriture pour bébé, pas de compléments nutritionnels oraux seuls, etc.
  • On ne se lance jamais dans un régime restrictif (sans sel, diabétique, végétarien, végétalien, etc.) sans encadrement médical !

3 – Garder une activité physique (adaptée). C’est ce qui permet de préserver son métabolisme de base, son appétit, sa joie de vivre, le lien social, etc. !

4 – Se faire aider :

  • Au niveau logistique/technique, si on n’arrive pas à manger ou à se faire correctement à manger, on utilise toutes les aides humaines et techniques à disposition : entourage ou aide-ménagère (qui, dans l’idéal, font un effort sur la présentation des aliments pour stimuler l’appétit), portage de repas, couverts ergonomiques, matériels d’aide technique pour les repas, etc.
  • Au niveau médical : on consulte régulièrement son dentiste et on soigne son hygiène bucco-dentaire ; on surveille et on traite fragilités psychologiques et dépression ; on surveille et on traite les troubles du transit ; on soigne une arthrose gênante, etc.
  • Au niveau social : on se renseigne sur les aides disponibles auprès du Conseil départemental ou du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS)

5 – Se faire dépister. Au moindre doute, on se tourne vers son médecin traitant en premier recours.

Sortir de la dénutrition

« La première étape est de statuer sur la présence ou non d’une dénutrition : on évalue l’appétit de la personne, on s’assure de la qualité et de la quantité de ce que la personne mange en faisant une enquête alimentaire“, détaille le Dr Kervella. “On évalue son statut nutritionnel avec son IMC et une prise de sang pour doser l’albumine. On regarde son état bucco-dentaire surtout à la recherche de mycose à traiter.

En cas de troubles de déglutition – qui peuvent entraîner des difficultés à s’alimenter, NDLR – un bilan est fait. Il peut y avoir un traitement par un.e orthophoniste et/ou l’adaptation des textures ou la gélification des liquides.

On identifie les situations à risque et on repère aussi les facteurs sociaux et environnementaux qui peuvent amener à une dénutrition, comme une dépression, un isolement, le manque de moyens financiers, des difficultés à se faire un repas ou ses courses seul.e, un changement de lieu de vie (comme une entrée en EHPAD ou une hospitalisation), etc. qui peuvent déboucher sur des troubles alimentaires.

La personne âgée devra ensuite suivre des conseils diététiques simples ou un enrichissement en protéines, en calories, etc.”, poursuit la gérontologue.

“En cas de dénutrition plus importante elle peut également se faire prescrire des Compléments Nutritionnels Oraux (CNO) adaptés à ses goûts et à ses besoins. Ce qui compte, c’est l’alimentation par la bouche et l’estomac, même si on doit parfois en passer par la nutrition par sonde dans des cas très sévères et dans certaines pathologies.

La nutrition par perfusion peut être indiquée dans des indications très restreintes. »

Pour en savoir plus

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Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.